Imaginez que l’on vous dise que vous souffrez d’hallucinations, de troubles délirants et émotionnels, de désorientation et d’amnésie. Vous avez vu des choses qui n’existent pas, vous avez cru en des choses qui ne peuvent être réelles, vous étiez confus avec les notions de temps, d’espace et les personnes qui vous entourent. Vous aviez des émotions changeantes et vous êtes sortis de ces événements en en oubliant la totalité ou du moins la grande majorité. N’importe qui s’inquiéterait pour votre santé, vous conseillerait de consulter des professionnels qui vous dresseraient une liste de médicaments à prendre et des établissements pour vous interner.
“ Qu’est ce qu’il raconte ? ”, vous demandez-vous.
Et bien je suis prêt à parier que vous avez passé près du tiers de votre vie dans cet état, et que le dernier épisode remonte à ce matin vers 7h. Et c’est probablement la meilleure chose que vous ayez pu offrir à votre corps pour le maintenir en forme. Plus que n’importe quelle séance de sport, de régime ou de smoothie détox.
Hey snoozers !
Vous l’aurez compris, aujourd’hui je parle du sommeil. 💤
C’est un sujet passionnant qui concerne tout le monde. Les scientifiques sont pourtant loin d’avoir saisi les tenants et aboutissants de cet état chez l’Homme. D’ailleurs, une question reste à ce jour (partiellement) sans réponse: pourquoi dort-on?
Malgré ces questionnements, les chercheurs s’accordent sur un bon nombre de phénomènes physiques qui se produisent lorsque l’on dort ainsi que sur des protocoles applicables par nous tous qui cherchons à dormir mieux et plus longtemps. Voyons ensemble ce que ces scientifiques nous proposent.
Rappelons l’intérêt du sommeil : pourquoi vouloir dormir plus longtemps ?
“ I tried sleeping less, but then total productivity decreases. ” Nous confiait implacablement Elon Musk au micro de Joe Rogan en février 2021.
Dans une société qui valorise sans cesse le temps, certains remettent en question celui qu’ils passent endormis. Pourquoi bloquer un tiers de sa vie dans une état d’inactivité, alors que l’on pourrait travailler davantage, voir sa famille et ses amis ou prendre un peu de temps pour enfin faire du sport ? Nous connaissons tous ces personnalités comme l’inévitable Elon Musk qui diffusent un mode de vie hyper efficace menant au succès. Qu’ont-ils tous en commun ? Ils refusent de dormir plus de 5h ou 6h par nuit. Pourtant, chacun se rend compte de l’importance de son sommeil. Quel bonheur que de se réveiller après une bonne nuit de sommeil “réparateur” où tout semble plus simple et attrayant !
Pour Matthew Walker (*), professeur de neurosciences et de psychologie à l’Université de Californie, Berkeley, le sommeil est primordial pour la santé. Alors que l’alimentation et le sport sont deux piliers de notre bien-être, le sommeil est selon le professeur Walker le socle sur lequel ces piliers reposent. Il va même jusqu’à ajouter que quelle que soit la maladie, le sommeil a son rôle à jouer dans la thérapie.
Plus de vingt études épidémiologiques à grande échelle qui ont suivi des millions de personnes sur plusieurs décennies reportent toutes les mêmes conclusions : le manque de sommeil réduit votre durée de vie. Le spécialiste du sommeil dresse dans son livre Why We Sleep une liste des nombreux effets du manque de sommeil : capacité physiques amoindries, restriction de la mémoire, perte de créativité, d’attention, troubles d’humeur, baisse de la satisfaction liée à la consommation de nourriture, chute des niveaux hormonaux, augmentation des chances d’infection, de cancer, d’attaques cardiaque etc…
Il me semble désormais clair que tout le monde gagnerait à s’intéresser à son sommeil. Sans forcément dormir plus longtemps, au moins éviter de dormir trop peu.
Reco : (*) La chaîne de podcasts de Matt Walker, très concis sur le sommeil (en anglais mais ça s’écoute très facilement), à retrouver ici →
Combien de temps faut-il dormir ?
La réponse qu’on nous donne souvent (et qui énerve !) : ça dépend. De manière générale, pour les adultes en bonne santé: entre 7h et 9h. Bon ça n’aide personne…
Personnellement, j’ai remarqué que 8h15-8h20 de sommeil est idéal pour moi (c’est-à dire que je me sens revigoré au réveil et que je n’ai pas de mal à m’endormir les nuits suivantes lors de mon heure de coucher habituelle). À vous de comprendre la quantité de sommeil qui vous convient et de fixer des heures de coucher et de lever en conséquence. Attention cependant à ne pas se mentir à soi-même et à évaluer la vraie quantité de sommeil (ce n’est pas nécessairement celle de “j’éteins mon téléphone” jusqu’à “j’allume la lumière”).
Pour les pros du sommeil : J’utilise une montre connectée qui me donne chaque matin un rapport sur ma nuit (temps passé dans chaque phase). Bien-sûr, ce n’est pas une science exacte, j’ai d’ailleurs pris l’habitude de régler la notification qui me donne le rapport en milieu de matinée pour ne pas être influencé par une note ! Je trouve cependant que ce dispositif donne une bonne idée de la structure de notre sommeil (durée des phases du sommeil- et du sommeil en général, réveils durant la nuit, baisse du rythme cardiaque, influence de l’alcool, du sport et d’autres paramètres). Petit bonus: la montre a une fonction de réveil intelligent qui laisse la montre vibrer sur une plage horaire (plutôt qu’une heure exacte) afin d’éviter des réveils durant le sommeil profond. Ça fonctionne très bien avec moi et ça fait une vraie différence au réveil !
Comprendre la structure du sommeil
Non, ce ne sont pas 8h de black out ! Essayons de comprendre la structure du sommeil. Promis, pas (trop) de jargon scientifique. L’activité cérébrale, que les scientifiques sont désormais capables d’étudier et d’associer à des états bien identifiés, varie au cours de la nuit. Les principales phases sont:
un sommeil léger : transition entre les états éveillé et les autres phases de sommeil
un sommeil profond - NREM en anglais
un sommeil paradoxal (celui des rêves) - REM (Rapid-Eye Movement) en anglais
Vous l’aurez compris, les plus critiques sont les 2 dernières phases: c’est là que le corps récupère de la fatigue accumulée de la journée, que les tissus se régénèrent et que le cerveau consolide la mémoire, développe la créativité etc..
Autre point clé: le sommeil d’un adulte en pleine santé comprend en général 3 à 5 cycles de sommeil complets (chacun avec ces 3 phases) de 90 à 120 minutes. Au fil de la nuit, la durée des phases de chaque cycle varie. Celle du sommeil paradoxal augmente avec la nuit tandis que celle du sommeil profond diminue.
Et pour ceux qui préfèrent les schémas (ou hypnogramme dans ce cas) :
On récapitule : se priver de 1h30 de sommeil c’est se priver d’un cycle entier, soit une grosse partie de son sommeil paradoxal (presque la moitié - dernière bande verte sur le schéma). On dit alors au revoir à la consolidation de la mémoire, au développement du cerveau, à l’assimilation des émotions accumulées durant la journée et à l’amélioration des processus de créativité (évidemment, j’exagère pour passer le message, l’architecture du sommeil n’est pas aussi simple que ça !).
Habitudes à adopter pour un bon sommeil
Venons en maintenant aux habitudes à adopter pour améliorer son sommeil. Précisons d’abord qu’il ne s’agit pas de cocher toutes les cases, l’objectif est uniquement de présenter des outils pour dormir mieux et plus longtemps si ce n’est pas déjà le cas. Voici donc les 12 travaux d’Hercule (ce n’est pas aussi compliqué) pour un sommeil idéal:
1 - La plus importante de toutes: se fixer des heures de coucher et de lever et s’y tenir en toutes circonstances, la régularité est votre meilleure amie. Même en cas de nuit courte, le mieux que vous puissiez faire est de revenir à vos horaires de sommeil habituels.
Il est conseillé de se coucher lorsque l’on a envie de se coucher pour la première fois de la journée et de garder ce rythme par la suite. Rester éveillé dans un état de fatigue avancé est une des raisons pour lesquelles certaines personnes se réveillent à 3h du matin et n’arrivent pas à se rendormir.
Quand on se sent (très) fatigué, il est vraiment important de retrouver son rythme de sommeil. Évitez les siestes de 5h en pleine journée ou les grasse mat jusqu’à 15h !
Hack du jour : Comme le répète souvent notre ami Matthew Walker: quand on est crevé après une ou plusieurs nuits courtes, “do nothing, change nothing” ! On revient à ses habitudes de sommeil le plus rapidement possible.
C’est le plus important mais aussi le plus dur pour moi. On se décale très rapidement donc je m’impose de ne jamais faire de grasse mat sauf en cas de grosse fatigue.
2 - Faire du sport, mais pas trop tard dans la journée (max 2/3h avant le coucher).
3 - Éviter la nicotine et la caféine en grosses quantités et trop proche de l’heure du coucher.
Il est conseillé d’éviter la caféine 8-10h (jusqu’à 14h pour certaines personnes) avant le coucher. Une newsletter arrive rapidement sur le sujet !
Ce que je fais : je ne bois pas de café après 13h (je prends de temps en temps un décaféiné après le déjeuner, en plus de mon café le matin), pour un coucher vers 23h30 - minuit.
4 - Éviter la consommation d’alcool avant le coucher.
L’alcool affecte la qualité du sommeil, malgré son effet sédatif qui peut avoir des effets relaxants et aider à s’endormir. 2 unités peuvent réduire la qualité du sommeil de plus de 9%.
Ce que je fais : Je ne m’interdis pas de boire de l’alcool. L’alcool a une place importante dans notre société et dans beaucoup de cas, s’en priver reviendrait à renoncer à une vie sociale normale (ce que je trouve dommage, mais c’est un autre débat). J’essaie juste d’en consommer moins souvent et de remplacer certains verres en semaine entre amis par des boissons non-alcoolisées.
5 - Éviter les repas lourds (boisson ou nourriture) avant le coucher.
Les gros repas peuvent gêner le sommeil lorsqu’ils sont consommés avant le coucher. Il est préférable de terminer de dîner au moins 2h avant le coucher.
6 - Éviter les écrans 1 à 2 heures avant le coucher.
Ce que je fais : J’ai toujours un ou deux livres (et ma Kindle !) sur ma table de chevet et je lis environ 20/30 minutes tous les soirs avant de m’endormir (attention à ne pas trop éclairer la pièce !)
7 - Limiter les siestes à 1h30 (grand max) et avant 15h, ou éviter tout court.
Les siestes restent encore une zone grise pour la communauté scientifique. Certains la considèrent comme une pause réparatrice durant la journée. D’autres invoquent l’impact sur la fatigue le soir qui pourrait repousser le coucher plus tard dans la nuit (baisse du niveau d’adénosine pour les plus curieux). Pour les personnes qui ont du mal à s’endormir, les scientifiques conviennent d’éviter de faire une sieste (qui atténuerait la fatigue et donc l’envie de dormir).
Ce que je fais : Je restreins mes siestes aux jours où la fatigue se fait ressentir et à 20 minutes (parfois 30/35 minutes, jamais plus).
Pour les pros du sommeil : Il existe d’autres méthodes qui permettent de réduire la fatigue (et pour certaines de fortifier sa mémoire) et qui sont pratiquées par de nombreuses personnes: méditation, NSDR (Non Sleep Deep Rest) ou encore du yoga nidra. Certaines applications (payantes, ex: Reveri) ainsi que des vidéos YouTube (gratuites) proposent des protocoles complets avec des consignes orales.
8 - Se relaxer avant de se coucher, évitez de vous laisser trop de tâches pour la soirée. Ayez une routine pour le coucher: lecture, musique douce, douche/bain chaud (attention, pas très à la mode en ce moment)…
Pour les pros du sommeil : Pour s’endormir, le corps doit baisser en température (elle continue d’ailleurs de baisser jusqu’à atteindre son minimum 1h avant le réveil habituel). Il convient donc de baisser son rythme cardiaque, réchauffer (oui réchauffer !) ses extrémités - mains, pieds, et tête/gorge pour permettre au reste du corps se refroidir.
Ce que je fais : Je lis avant de m’endormir. Rien ne vaut un bon chapitre ou deux pour distraire l’esprit du stress et des tensions de la journée.
9 - Dormir dans une pièce sombre (idéalement complètement sombre), silencieuse et à température ambiante froide (idéalement 18°C, ce qui est plus froid qu’on ne le pense).
Ce que je fais : J’utilise un ruban adhésif pour “coller” mes rideaux au mur et éviter un maximum que la lumière rentre le matin. Pour la température, j’ouvre la fenêtre en hiver (uniquement avant le coucher ou pendant la nuit en fonction de la température) mais je n’ai pas de solution l’été (et mon sommeil en est malheureusement affecté).
10 - Sortir et s’exposer à la lumière extérieure dès le réveil (durant la première heure après le réveil) et le plus possible durant la journée. Baisser la luminosité et éviter les sources très lumineuses en soirée et pendant la nuit (évitez d’allumer la lumière si vous vous levez durant la nuit).
Une newsletter arrive vite sur ce sujet qui mérite plus de précisions !
11 - Ne pas rester éveillé sur son lit (matin et soir).
Ce que je fais : mon téléphone est sur mon bureau, jamais sur ma table de chevet la nuit (c’est du moins ce que j’aime me faire croire…). Donc si je veux l’utiliser ou éteindre l’alarme, je dois sortir du lit le matin.
12 - Accepter de se sentir très alerte environ 1h avant le coucher.
Il s’agit d’un pic naturel d’attention et d’éveil en début de soirée (qui serait régulé par le rythme circadien - voir plus bas) que les chercheurs du sommeil ont observé chez l’Homme. Évitons d’y céder avec des activités qui pourraient créer de l’agitation durant le reste de la soirée/nuit.
Rythme circadien et préférences de sommeil
Avant de clore ce premier article sur le sommeil, j’aimerais parler du rythme circadien. Oui, j’avais promis de limiter le jargon scientifique, mais c’est le dernier et je m’explique: le rythme circadien désigne la capacité du corps humain a garder une notion de temps (comme une horloge interne) et à fonctionner par cycles de 24h (circadien = “environ un jour”). Il permet entre autres de réguler les hormones émises dans notre corps à différents moments de la journée mais aussi de déterminer nos heures de coucher et de réveil (ce n’est pas le seul facteur).
Cependant, nos “horloges internes” ne sont pas toutes réglées de la même façon: certains préfèrent se coucher et se lever tôt (ex : 21h - 5h), tandis que d’autres se sentent plus alertes en fin de journée et iront naturellement se coucher et se lever tard (ex : 3h - 11h). Il ne s’agit pas de devoir se placer dans un des deux cas, il est plus probable de se trouver entre ces 2 extrêmes.
L’important est d’identifier et de respecter sa nature (attention: le rythme peut évoluer au cours de notre vie, notamment durant l’adolescence). Malheureusement, la société a tendance à préférer les lève-tôt, sans réaliser que les autres ont tout simplement des habitudes plus tardives. Pensez à l’expression “la journée appartient à ceux qui se lèvent tôt”, qui existe dans plusieurs langues et cultures (“the early bird catches the worm” en anglais).
La littérature scientifique conseille de bien comprendre où l’on se place parmi les extrêmes (imaginez que vous vous trouvez sur une île déserte sans aucune contrainte ni obligation, à quelle heure vous coucheriez et lèveriez-vous ?) pour l’intégrer dans ses habitudes de sommeil.
Reco : Il existe à ce sujet un outil qui permet de déterminer son chronotype (ou chronobiologie, c’est le mot scientifique pour désigner sa “nature”). Il contient un questionnaire permettra de confirmer vos préférences et de donner des conseils en conséquence.
Résumons tout ça
On se quitte sur un tableau récapitulatif à emporter et à garder avec soi :
“Ok j’ai compris, le sommeil est important, mais qu’est-ce que je peux faire pour dormir mieux ?”
Les études scientifiques montrent sans cesse que la régularité est un facteur clé pour un sommeil de bonne qualité. Bien que la société nous pousse à nous formater à un schéma de sommeil, l’idéal est de comprendre combien de temps notre corps a besoin de sommeil et de respecter son rythme circadien. Les pros du sommeil veilleront à éviter au maximum les facteurs qui perturbent un sommeil de bonne qualité avant le coucher : l’alcool, la caféine, un environnement agité ou encore une luminosité trop élevée (écrans et autres).
Ne nous affolons pas si une nuit est trop courte ou qu’un matin est plus difficile que les autres, l’important est de reprendre au plus vite ses horaires de sommeil habituels.
Si cet article vous a plu, retrouvez-ici la mini série dédiée au sommeil (à venir : la luminosité puis l’alcool & la caféine) !