Hey snoozers !
Il y a 2 semaines, je passais en revue les notions de base sur le sommeil ainsi que 12 habitudes pour mieux dormir. Aujourd’hui, nous allons illustrer tout ça sous l’angle de la lumière et de la température, qui sont toutes les deux fondamentales pour une bonne nuit de sommeil. En 2ème partie de cette newsletter, vous trouverez des conseils pratiques par rapport à ces deux paramètres de la journée idéale selon la science. Alors oui, ça va peut-être en surprendre certains (n’est-ce pas l’objectif aussi?), mais nous pouvons utiliser la lumière et la température pour agir sur notre état d’éveil (et donc de sommeil). Mais d’abord, un peu de contexte pour se chauffer (jeu de mots intentionnel)…
Rythme circadien, encore lui
Dans le premier épisode (#1), j’ai utilisé la notion de rythme circadien. Pour rappel, il s’agit d’une sorte d’horloge biologique interne qui permet de réguler par cycles de 24h plein de paramètres dans notre corps (hormones, température, sommeil, …). Le jet lag est un bon exemple de l’importance (et de la fragilité) du rythme circadien. Si vous avez déjà eu la chance de voyager (un peu loin) à l’étranger, vous connaissez la sensation désagréable d’avoir un rythme décalé par rapport au soleil et aux habitudes des locaux de l’endroit où vous vous trouvez.
Mais pour être sûr de bien comprendre ce qui peut impacter le sommeil, je vais emprunter l’image de la boîte noire au Dr. Huberman dans son podcast ‘Sleep Toolkit’. Les scientifiques ne maîtrisent pas exactement tout ce qu’il se passe dans notre corps lorsque l’on dort. Une façon plus imagée de représenter les choses (voir plus bas) serait de représenter le corps humain comme une boîte noire: nous ne comprenons ni ne pouvons observer ce qui se passe dans le corps. En revanche, nous pouvons imposer des conditions données extérieures et observer la réaction du corps en conséquence. Ce qui importe ici ce sont justement les réactions du corps “en sortie” de la boîte (et en particulier le sommeil) en fonction des conditions imposées au corps ”en entrée”. Il ne reste plus qu’à jouer avec les paramètres d’entrée pour améliorer le sommeil! Simple, non ?
Oui, à condition de bien identifier quels sont les paramètres en question et de pouvoir les modifier. Le neuroscientifique dresse une liste (sans ordre particulier) des paramètres clés qui ont un rôle sur le sommeil (il en existe d’autres, moins importants):
la lumière
l’activité sportive
la température
la nourriture
la caféine
les suppléments
les outils (ex: méditation, auto-hypnose, NSDR - Repos profond sans sommeil en français)
L’exposition à la lumière est en fait déterminante (et probablement le paramètre le plus important) pour le sommeil. Elle régule par le rythme circadien les mécanismes qui nous font nous réveiller le matin et se sentir fatigué le soir avant d’aller se coucher. La fameuse règle d’éliminer les écrans les heures précédant le coucher n’a pas été créée pour nous embêter! Notons également au passage le rôle joué par la température. La température corporelle est autour de 37°C mais fluctue durant la journée pour atteindre son minimum environ 2 heures avant le lever habituel. Le matin, le corps se réchauffe tandis qu’il se refroidit dans la soirée pour préparer la nuit. Donc la température corporelle suit une évolution de cycles de 24h, ça vous rappelle quelque chose ?
En résumé, le rythme circadien est la pierre angulaire du sommeil et la température du corps et la lumière à laquelle on l’expose sont des outils à notre disposition pour le paramétrer.
Exposition quotidienne idéale
La partie théorique étant établie, passons au pratique et regardons ce que les scientifiques nous proposent de faire pour une exposition à la lumière idéale pour le sommeil. Spoiler : vous voulez vous exposer à autant de lumière que possible lorsque vous souhaitez être éveillé et alerte, et à l’inverse aussi peu que possible lorsque vous souhaitez vous coucher et générer de la (bonne) fatigue.
Le matin ☀️☀️☀️☀️
Durant les premières 30 à 60 minutes après le lever, exposez-vous à la lumière naturelle durant au moins 15 minutes. Les jours plus sombres (nuageux ou pendant l’hiver), il faut idéalement augmenter le temps passé dehors à s’exposer à la lumière extérieure (jusqu’à 30 min). S’exposer à la lumière naturelle, ça veut dire sortir de chez soi (sans se faire mal aux yeux, ne regardez jamais le soleil directement). L’écran de portable n’émet pas une lumière suffisante, ni les ampoules classiques chez vous. Si vous ne parvenez pas à inclure cette exposition matinale dans votre journée, essayez de la doubler le lendemain et de reprendre le rythme dès le jour suivant. Idéalement, elle doit être effectuée au moins 80% des jours.
Ne considérer l’exposition à la lumière artificielle le matin qu’en cas de réveil de nuit - lorsque le soleil n’est pas levé (il existe des appareils simulateurs de lumière naturelle qui restent tout de même très chers), même si elle ne remplace pas la lumière naturelle du soleil (cachée par les nuages ou non).
Pour les pros du sommeil : Lors du réveil , une hormone stéroïde (cortisol) est naturellement sécrétée dans votre corps. Elle atteint d’ailleurs son pic à ce moment de la journée, et est la raison pour laquelle nous nous réveillons. Le cortisol est souvent associé au stress, mais il est également responsable du bon fonctionnement du système immunitaire, du métabolisme et de la concentration. Le cortisol est sécrété par l’augmentation de température (rappelez-vous, le corps se réchauffe à la fin de la nuit - le minimum de sa température étant atteint 2 heures environ avant le réveil). Ses niveaux sont élevés par l’exposition à une lumière forte.
Pourquoi faut-il s’exposer à beaucoup de lumière le matin ? Il ne s’agit pas de capter la vitamine D pour votre peau - même si cette exposition matinale peut en être l’occasion. L’idée est que l’énergie transportée par la lumière sous forme de photons est transmise par les yeux (et les yeux uniquement) sous forme de signal électrique aux neurones qui peuvent à leur tour déclencher le réveil dans votre corps. Il faut donc capter un maximum de lumière dans la première heure après le réveil, car démarre ensuite une période de “deadzone” pour le rythme circadien: le corps n’est plus aussi réceptif aux paramètres que l’on a listé plus haut pendant cette période (il le redevient plus tard dans la journée). En d’autres termes, le matin, c’est la course à la lumière !
Pour les nerds du sommeil : L’exposition à la lumière se mesure en lux. Les études scientifiques indiquent qu’il convient de s’exposer à 100 000 lux dans la première heure après le sommeil. Pour avoir un ordre d’idée, la lumière d’un écran de portable, c’est 500-1000 lux, les ampoules chez vous 500-5000 lux, une journée ennuagée, 7 000-10 000 lux et jusqu’à 100 000 lux pour une journée ensoleillée. Il existe certaines applications (comme Light Meter) pour mesurer avec votre portable la quantité de lumière ambiante si vous voulez un jour partager l’enthousiasme de l’auteur de cet article pour la lumière.
Durant la journée ☀️☀️
L’exposition à la lumière naturelle a moins d’importance à cette période de la journée. Cependant, il a été montré que voir le soleil se coucher (ou les dernières heures de soleil de l’après-midi) participe à la régulation du rythme circadien en évitant en partie les effets néfastes de l’exposition à la lumière en soirée (ce n’est toutefois pas une raison de ne pas respecter le point suivant).
Le soir 💡
Le soir, il devient de nouveau primordial de porter de l’importance à la lumière. Évitez à tout prix les lumières fortes (et pas uniquement les fameuses lumières bleues des écrans). Ces lumières affecteront votre niveau de mélatonine (et non pas mélanine, ça c’est pour la couleur des cheveux), une hormone qui participe à la sensation de (bonne) fatigue le soir. Baissez donc la luminosité de la pièce dans laquelle vous vous trouvez, en privilégiant les lumières basses dans votre environnement physique.
La nuit 🌙
Évitez absolument l’exposition à la lumière de nuit. Si vous ne pouvez pas vous déplacer sans lumière (pour aller aux toilettes par exemple), privilégiez les lumières rouges (ou les lumières aux grandes longueurs d’onde: orange ou jaune par ordre de pertinence). La première exposition à une luminosité élevée durant la nuit déclenche une augmentation immédiate des niveaux de cortisol. Autrement dit, s’exposer à la lumière durant la nuit déclenche dans le corps des mécanismes similaires à ceux du réveil. Le Dr. Huberman compare une exposition forte à la lumière la nuit au stress imposé au corps lorsqu’il est plongé dans un bain d’eau froide… Alors, toujours envie de regarder son écran de téléphone quand vous n’arrivez pas à dormir ?
En cas de réveil durant la nuit - ce qui est tout à fait normal, on se réveille d’ailleurs plus souvent qu’on ne le pense - on conseille d’éviter d’allumer des lumières trop fortes (ou idéalement aucune lumière, sans que ce soit dangereux).
On comprend mieux l’importance de dormir dans un environnement totalement sombre. Plus il y a de lumière dans votre chambre, plus celle-ci risque d’avoir un effet sur votre sommeil (réveil anticipé ou perturbation de l’architecture du sommeil).
Respecter sa température corporelle
Après la lumière, voyons ce que les derniers articles scientifiques suggèrent pour respecter les besoins de son corps par rapport à sa température.
Plus haut, nous avons établi que la variation de la température corporelle est cyclique (elle atteint un maximum et un minimum dans un cycle de 24h environ): nous avons tendance à sentir la fatigue quand notre corps se refroidit et à se sentir éveillé lorsqu’il se réchauffe. Ce fonctionnement est d’ailleurs encodé dans notre ADN: nous avons des gènes qui s’assurent que chaque cellule de notre corps suit ce rythme circadien. Nos corps sont donc programmés pour se refroidir durant la nuit. Accompagner ce changement fait partie des outils à notre disposition pour améliorer la qualité de notre sommeil.
La température idéale de la chambre pour le sommeil se trouve autour de 18°C pour les adultes. Un environnement trop chaud peut entraîner un inconfort jusqu’à l’accumulation de fatigue et empiéter sur les changements naturels de température du corps. Par exemple, des études ont montré qu’une hausse (ou maintien) de la température corporelle réduit la quantité de sommeil profond. De la même façon, une différence trop importante entre la température corporelle et celle des extrémités (mains, pieds, tête) a été associée à une efficacité de sommeil affectée et une plus grande chance de se réveiller la nuit.
On conseille donc de mettre en place les moyens nécessaires pour réduire la température de sa chambre et préparer son corps au sommeil. Cela implique par exemple:
d’ouvrir la fenêtre pour refroidir la chambre ;
de prendre un bain, entre 1 à 2h avant le coucher (par sa thermorégulation, le corps envoie la chaleur aux extrémités et se refroidit en conséquence après le bain) ;
réchauffer ses extrémités avant le coucher (avec des chaussettes au lit si c’est votre style, pas de jugement!) ;
dormir dans des draps et un matelas qui permettent à l’air de passer pour éviter de transpirer.
Outils pour réagir à des décalages de rythme
Maintenant que nous avons abordé les règles de base, nous pouvons apprendre à utiliser la lumière et la température à notre avantage.
Les weekends
On le sait tous, c’est quasiment impossible de ne pas décaler ses horaires le weekend. Tout le monde le fait. Mais de combien de temps vous décalez-vous?
Hack du jour : Notre ami le Dr. Huberman nous conseille de ne pas se décaler de plus de 1h par rapport à ses horaires de la semaine. Il suggère de faire des siestes au lieu des grasses mat : elles permettent de dormir tout en gardant des horaires de sommeil stables (il est préférable de faire une sieste en préservant ses horaires de sommeil plutôt que de tout décaler).
Les voyages
Pour les pros du sommeil (jet lag) :
Il existe des études de qualité évaluées par des pairs qui montrent que les changement d’horaires et donc le jet lag réduisent la durée de vie. Anticiper ces décalages pour les voyageurs fréquents peut donc s’avérer extrêmement important.
Afin de préparer un changements d’horaires de sommeil, ou pour revenir progressivement à ses horaires habituels, les scientifiques proposent de:
pour reculer son rythme (”je veux me coucher plus tard demain soir”): disruption 2 à 4 heures avant le minimum de température
pour avancer son rythme (”je veux me coucher plus tôt demain soir”): disruption 2 à 4 heures après le minimum de température.
*Je m’explique: par disruption, j’entends s’exposer à une lumière forte (le plus important), prendre un repas, réchauffer son corps (avec un bain/douche froide par exemple), faire du sport, etc… Le minimum de température est le moment où le corps atteint son minimum de température - environ 2 heures avant l’heure de réveil habituel.
Exemple : ✈️ J’habite à Paris et je voyage à Tokyo (je voyage donc vers l’est). Les habitants de Tokyo vivent avec 8 heures d’avance sur ceux de Paris. On dit souvent que voyager dans cette direction (vers l’est) est plus difficile pour les voyageurs car cela leur impose de se coucher plus tôt à leur arrivée pour adopter le rythme local (le système nerveux autonome est asymétrique de sorte qu’il est plus facile de retarder son coucher qu’il ne l’est de l’avancer). Durant les 2 à 3 jours précédant mon voyage, je veux donc avancer mon rythme circadien (je vais me réveiller et me coucher plus tôt dans la journée). Si je me réveille habituellement à 8 heures à Paris, je me lève plus tôt (à 7h puis 6h puis 5h par exemple) et je pratique une activité qui va indiquer à mon horloge biologique de sonner le réveil: m’exposer à une lumière forte, augmenter sa température corporelle (avec du sport par exemple), boire du café…
Reco : Je suis tombé sur ce site qui donne un emploi du temps avec des périodes de sommeil et d’exposition à la lumière pour préparer au mieux son voyage.
Si le voyage est d’une durée de 3 jours ou moins, on conseille de ne pas adopter le rythme local et de maintenir son rythme circadien habituel (les volets occultants et les bouchons d’oreille seront alors vos compagnons de voyage).
Résumons tout ça
On se quitte de nouveau sur un tableau récapitulatif à emporter et à garder avec soi:
La lumière et la température sont clés dans la régulation du rythme circadien, et donc dans la qualité du sommeil. Mais la réalité des choses est cruelle: tandis que nous avons besoin de beaucoup d’énergie sous forme de lumière tôt dans la journée afin de réveiller notre corps, régler notre horloge biologique et préparer une bonne nuit de sommeil 16 heures plus tard, une fraction de cette lumière en soirée peut dérégler tout le système! Alors gardons les séances de sport, les cafés et les gros UV pour le matin et la journée. Le soir, on se relaxe, bon bain!
Si cet article vous a plu, retrouvez-ici la mini série dédiée au sommeil (à venir: le dernier épisode sur l’alcool & la caféine) !
Reco : Sans rapport direct avec l‘article d’aujourd’hui, j’ai écouté récemment la série de podcasts sur l’insomnie de notre ami Pr. Matt Walker de l’épisode 1. J’ai été surpris d’apprendre que ça concerne beaucoup plus de monde que je ne le pensais. Dans cette série, le professeur de neuroscience et de psychiatrie décrit les moyens d’identification, les raisons et les pratiques à adopter concernant cette condition médicale. Le premier podcast de la série est à retrouver ici →.
Très intéressant