Offrez à un animal la possibilité de choisir entre 2 verres d’eau. Le premier contient en réalité du sucre classique dissous dans l’eau. Le second contient également de l’eau à laquelle on a mélangé un édulcorant artificiel sans calories de sorte que les deux verres soient indiscernables à la vue et au goût.
Que choisit l’animal ?
Les études nous montrent que les animaux préfèrent le verre avec le sucre classique aux édulcorants non caloriques.
Répétez maintenant l’opération avec des animaux sans récepteurs gustatifs. Que choisissent-ils désormais ?
Le verre contenant du sucre. De nouveau.
Le mécanisme qui permet à l’animal de choisir le verre contenant des calories est appelé signal sensoriel intestinal. Il témoigne du fonctionnement complexe et invariable de l’intestin.
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📚 Message de Constance :
Si tu abordes la santé intestinale je conseille le livre de Giulia Enders Le Charme Discret de l’Intestin, trop top comme live et super facile à comprendre, vraiment je recommande !
Et un compte sur Insta super aussi : Tim Spector, qui fait des petites vidéos sur le sujet & a écrit des livres etc…
Intestin : agent double (2 min)
La dysbiose : quand ça ne va plus (2 min)
Signes que vous devez vous en préoccuper (1 min)
Les maladies et le microbiote (2 min)
🧰 Outils pour améliorer sa santé intestinale (4 min)
Pour résumer tout ça (1 min)
Intestin : agent double
Notre corps accueille plusieurs milliards de bactéries sur différents tissus : sur la peau, dans la bouche ou encore, et c’est ce qui nous intéresse ici, dans l’intestin (le plus peuplé).
Ces bactéries sont essentielles à la fonction de l’intestin : extraire l’énergie des aliments, absorber les nutriments (vitamines, minéraux…) et l’eau et se débarrasser de l’excédent.
Mais le rôle du microbiote intestinal (ensemble des micro-organismes dans l’intestin) ne s’arrête pas là. Il interagit avec d’autres organes pour assurer notre santé immunitaire, cérébrale et hormonale. Le microbiote produit des substances chimiques qui ont un impact immédiat sur le fonctionnement du reste du corps, notamment la sécrétion de neurotransmetteurs comme la sérotonine (voir épisode 11).
Autrement dit, l’état de la flore intestinale peut déterminer votre humeur, vous faire vous sentir bien ou au contraire anxieux, ou vous donner de l’appétit par exemple. Les scientifiques appellent ce phénomène l’axe intestin-cerveau. Cet axe de communication est bidirectionnel : du cerveau vers les intestins et des intestins vers le cerveau.
Enfin, une flore intestinale de qualité a été liée à une réduction des risque de maladies inflammatoires (via une réaction inflammatoire modérée). L’interaction entre les bactéries de l’estomac et l’inflammation dans le corps est étudiée de près afin d’expliquer le rôle du stress ou encore des réactions immunitaires en lien avec le microbiote.
🧠🧠 Bon on est tous d’accord pour dire que le terme “deuxième cerveau” pour désigner l’intestin est mérité. Maintenant on sait pourquoi.
Pour les futurs biologistes : Le microbiote intestinal a un rôle direct dans la digestion : il puise dans nos aliments (notamment les fibres) mais les micro-organismes qui le constituent participent à l’assimilation des nutriments (avec des enzymes dont les cellules humaines sont dépourvues), la synthèse de vitamines et d’acides aminés ou encore la fermentation des résidus alimentaires.
Le microbiote agit également sur le fonctionnement global du tube digestif et sur le fonctionnement du système immunitaire intestinal. Il aide en effet à distinguer les “bonnes” espèces de bactéries des pathogènes.
Des animaux élevés sans microbiote ont ainsi des besoins énergétiques 20 à 30 % fois supérieurs à ceux d’un animal normal.
Nous sommes encore loin de comprendre aujourd’hui comment le microbiote affecte notre cerveau de façon complexe et multiple. Les voies de communication possibles (nerveuse, sanguine…) sont attentivement étudiées pour une raison bien simple : cette communication repose sur un équilibre fragile. Lorsqu’il est rompu, la santé de l’individu peut-être compromise.
La dysbiose : quand ça ne va plus
Notre microbiote intestinal se constitue progressivement à la naissance (au contact de celui de la mère et de l’environnement). La recherche a montré que les premières années de vie sont critiques dans le développement d’une flore intestinale de qualité.
Une des conséquences de cette construction du microbiote est qu’elle est unique à chacun. On estime que parmi les 160 espèces de bactéries que comporte en moyenne un individu sain, seule la moitié est commune d’un individu à l’autre.
La composition du microbiote de l’individu se stabilise après quelques années pour atteindre son état “normal” (ou stable). On appelle dysbiose le déséquilibre des bactéries intestinales par rapport à la flore intestinale normale (en bonne santé). Retenez ce nom, on va le rencontrer plusieurs fois aujourd’hui.
La recherche a identifié des espèces de bactéries associées à une bonne santé et d’autres qui ont été corrélées à des maladies. Appelons-les simplement les bonnes et mauvaises bactéries - ce n’est pas le terme scientifique mais l’idée est là. Attention, cette cartographie des bonnes et mauvaises bactéries est difficile à déterminer et varie encore beaucoup (les rôles des bactéries ne sont pas toujours clairs).
Par exemple, l’entreprise anglaise ZOE (qui propose d’ailleurs un podcast & un blog que j’adore et dont l’un des co-fondateurs est Tim Spector dont nous parlait Constance) a classé 15 espèces comme étant de bonnes bactéries.
Logiquement, 3 situations entraînent (ensemble ou séparément) un état de dysbiose :
L’élimination des bonnes bactéries
La prolifération des mauvaises bactéries
Une baisse de diversité des bactéries
Signes que vous devez vous en préoccuper
Les symptômes de la dysbiose sont multiples, mais il s’agit en règle générale de douleurs liées à l’estomac (ballonnements, problèmes de digestion, intolérance à certains aliments…). L’idéal avant de réagir reste d’en parler à un médecin.
💊 La prise d’antibiotiques est une source courante de dysbiose puisque ces médicaments sont très efficaces pour tuer les bactéries dans le corps. Les antibiotiques causent une perte de diversité du microbiote (il y a moins de bactéries différentes) et gênent la capacité à éliminer les mauvaises bactéries. Les espèces présentes avant le traitement sont capables de se rétablir en grande partie, mais des différences peuvent subsister.
Les maladies et le microbiote
De nombreuses maladies ont été liées à un dérèglement de la flore intestinale, ou dysbiose. Voici un rapide état de l’art de l’avancée de la recherche afin de prendre conscience de l’importance d’un microbiote en bonne santé.
🚽 La dysbiose est impliquée dans l’apparition de maladies telles que les maladies inflammatoires de l'intestin (dérégulation du système immunitaire intestinal) qui touchent préférentiellement les jeunes (20-30 ans).
🍔 Les personnes en surpoids ont des microbiotes moins variés, ce qui est une des causes de la dysbiose.
🏥 D’autres études montrent que la dysbiose est un facteur aggravant du risque de cancer du colon. Des données récentes suggèrent qu’une dysbiose pourrait être un élément précoce dans le développement de certaines pathologies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson
🧬 Certaines personnes sont malheureusement prédisposés à la dysbiose pour des raisons génétiques. La recherche a par exemple identifié des gènes qui créent des conditions propices à la dysbiose.
Pour les fans du genôme humain : Un gène appelé NOD2 joue un rôle dans la réponse immunitaire. Il contribue notamment à empêcher les "mauvaises" bactéries de s'installer dans l'intestin et donc à maintenir la stabilité du microbiote et à protéger contre la dysbiose.
Cependant, certaines personnes présentent des variantes du gène NOD2 qui ne fonctionnent tout simplement pas. Ces personnes ont un risque accru de développer une dysbiose. Une fois que la dysbiose commence, elle provoque une inflammation, qui peut ensuite conduire à la maladie de Crohn (type de maladie inflammatoire de l’intestin).
Rappelons que ce domaine de la science est relativement jeune. Le rôle de la dysbiose de cause ou de conséquence de ces maladies n’a pas été éclairci. Le Dr Sonnenburg (Stanford University School of Medicine) compare d’ailleurs le microbiote de l’intestin grêle à une boîte noire, ce qui en dit long sur l’avancée de la science sur le sujet. Le microbiote du côlon est bien plus maîtrisé grâce à sa facilité d’accès, je ne vous fait pas le schéma. Sur le même thème, de nombreuses études explorent la possibilité de réaliser des transplantations fécales. Si je vous ai pas encore convaincus de faire attention à votre flore intestinale, je ne sais plus quoi faire !
Mais ne perdons pas espoir, nous avons à notre disposition de nombreux outils pour combattre la dysbiose et placer son intestin dans les meilleures dispositions en termes de microbiote (voir section suivante).
🧰 Outils pour améliorer sa santé intestinale
Avant de rentrer dans le vif du sujet, laissez-moi définir deux termes dont vous avez peut-être déjà entendu parler : les prébiotiques et les probiotiques.
Par probiotiques, on entend l’ensemble des micro-organismes présents dans l’intestin et l’appareil digestif. L’idéal est d’en avoir un nombre important, mais la diversité (calculée par le nombre d’espèces ou souches) est aussi un indicateur très important.
Les prébiotiques sont en quelque sorte la nourriture pour ses bactéries. Ils sont essentiels à leur multiplication. La recherche a identifié les aliments riches en fibres comme étant de très bons prébiotiques.
En d’autres termes, la bonne formule est : on sélectionne les bonnes souches de bactéries et on favorise leur développement avec des prébiotiques.
Manger des produits fermentés
Encore une fois, la recherche converge (profitons-en pour une fois) : les régimes riches en produits fermentés augmentent la diversité du microbiote et réduisent les marqueurs d’inflammation.
Pourquoi ça fonctionne ?
Ces produits fermentés contiennent des micro-organismes vivants qui sont présents naturellement dans les aliments (et parfois ajoutés par le fabricant).
📄 Une étude de grande ampleur (large observational studies) menée en 2015 a étudié les signes d’anxiété sociale parmi 710 adultes. Ces participants ont rempli des questionnaires qui évaluaient leurs niveaux d’anxiété et de neuroticisme (mauvaise humeur, irritabilité, colère, instabilité émotionnelle, dépression…) et en indiquant ce qu’ils ont mangé. La conclusion du rapport indique que la consommation de produits fermentés peut représenter une intervention à faible risque pour réduire l’anxiété sociale.
D’autres études rapportent une amélioration de la capacité à interpréter des émotions (en utilisant du lait fermenté) ou une baisse de symptômes de dépression (avec du ginseng rouge, racine provenant d’Asie).
🧰 Parmi les produits fermentés, on retrouve :
les yaourts
le lait fermenté (type kéfir)
le cottage cheese (fromage frais anglais)
la choucroute (sauerkraut en anglais)
le kimchi (le chou fermenté coréen, facile à faire à la maison)
le kombucha (le thé issu d’un champignon fermenté, j’aime bien mais ce n’est pas pour tout le monde)
la pâte miso (pate fermentée japonaise, utilisée dans la soupe)
le natto (graines de soja fermentées du Japon)
le tempeh (produit à base de soja fermenté, originaire d’Indonésie)
Retrouvez des recettes dans ce livre de Tim Ferriss ou facilement sur YouTube.
De manière générale, les produits fermentés se trouvent dans les rayons frais du supermarché puisqu’ils contiennent des organismes vivants (les autres produits sont pasteurisés, ce qui n’a pas le même effet au microbiote) !
Combien faut-il en consommer ?
Il n’y a pas de quantité précise. Le Dr. Huberman (Stanford School of Medicine) suggère d’en consommer chaque jour ou le plus fréquemment possible pour voir de meilleurs résultats.
Ce que je fais : Dès que j’ai l’occasion d’en manger, je le fais ! Malheureusement, je n’en consomme pas chaque jour par manque d’anticipation par rapport à mes repas. Je ne peux que conseiller la cuisine d’Asie du Sud-Est que j’adore et qui est riche en produits fermentés.
Le sommeil (notamment profond) et le stress
Je ne le rappelle plus, le sommeil est capital pour tout le monde. Si je dois encore vous convaincre, des études ont montré qu’un sommeil suffisant associé à une durée du sommeil profond normale est essentiel pour réduire le stress et par conséquent sa santé intestinale. Le stress peut en effet avoir des conséquences néfastes pour le microbiote via l’axe intestin-cerveau que l’on a évoqué.
Éviter les produits transformés
Les émulsifiants et autres additifs peuvent gêner voire abîmer la couche muqueuse de la voie intestinale. Le régime alimentaire typique occidental (riche en lipides et en produits transformés et faible en fibres) est loin d’être idéal pour préserver sa santé intestinale.
Priorisons plutôt un régime riche en produits entiers, en fibres végétales et en produits fermentés.
🍬 Pour les amateurs de Coca Zéro : Concernant les édulcorants artificiels…
Chaque domaine de la science a le droit à son débat animé. Concernant le sujet du jour, ce sont les édulcorants artificiels qui captent les attentions. On les retrouve dans beaucoup de produits - souvent très transformés - car les industriels n’hésitent pas à utiliser des agents qui améliorent le goût sans augmenter le nombre de calories.
Les études montrent que ces sucres ont des effets sur le microbiote. Nous ne savons pas encore dire en revanche si ces effets sont négatifs ou non (rappelez-vous, toutes les bactéries ne sont pas intéressantes).
Certaines études dépassant largement la dose utilisée dans les produits que nous consommons et réalisées in vitro ou sur des animaux ont montré des effets négatifs, mais ces résultats sont loin d’être probants ou réalistes.
Comment interpréter tout cela ?
En prenant un peu de recul, on peut considérer que ces sucres sont aussi d’excellents outils pour lutter contre la prise de poids. De nombreuses personnes ont indiqué avoir vaincu leur obésité en remplaçant du Coca classique par du Coca Zéro (contenant zéro calories grâce à ces édulcorants). La recherche semble indiquer qu’ils ne sont pas idéaux, mais ces édulcorants restent globalement meilleurs pour la plupart des personnes que le sucre classique.
Certaines études indiquent que les édulcorants naturels sans calories (type stevia) sont probablement bien meilleurs, mais elles sont encore peu nombreuses.
Éviter les environnements trop aseptisés
🦠 Les bactéries sont présentes sur toutes les surfaces de notre environnement. Le Dr. Sonnenburg insiste sur le fait que l’exposition aux microbes de notre environnement est une partie importante de l’éducation et de l’équilibre de notre système immunitaire. L’utilisation excessive de produits éliminant les microbes des surfaces avec lesquelles nous rentrons en contact peut avoir un effet similaire à la prise d’antibiotiques.
Bien-sûr, l’élimination de maladies et autres agents pathogènes, ou encore de produits chimiques dangereux reste essentielle à notre santé. L’exposition aux bactéries présentes dans notre environnement joue un rôle majeur dans l’installation et le maintien d’un microbiote de bonne santé.
Prise de suppléments pré- et pro-biotiques.
Je le place en dernier car ces suppléments sont, comme leur nom l’indique, des outils pour compenser un déséquilibre du microbiote intestinal. Un individu en bonne santé avec une alimentation correcte n’a pas besoin d’en consommer.
Les suppléments pré- et pro-biotiques sont une bonne solution pour soigner le microbiote à la fin d’un traitement antibiotique par exemple pour compenser l’élimination des bactéries.
🧰 Si vous en prenez (consultez votre médecin avant de le faire), cherchez les suppléments qui contiennent plus de 10 milliards d’organismes, et avec des souches étudiées cliniquement.
Pour résumer tout ça
Une flore intestinale en bonne santé est un intestin qui accueille des bactéries différentes (notion de diversité du microbiote intestinal) et en nombre suffisant (notion de population). Un déséquilibre peut entraîner des variations d’humeur, de l’anxiété voire de la dépression par l’axe intestin-cerveau, qui est au centre de la recherche actuelle sur le sujet. La dysbiose gêne la réponse immunitaire du corps et pourrait en autres avoir un rôle dans l’obésité et le cancer du côlon.
Bien que sous beaucoup d’aspects, l’intestin reste une boîte noire, plusieurs outils permettent de mettre toutes les chances de son côté pour une flore intestinale en bonne santé. La recherche conseille la consommation d’un régime riche en fibres et en produits fermentés, en évitant les aliments riches en sucres ou transformés. Ajoutez à cela un style de vie sain (sommeil de qualité et peu de stress) et vous avez la recette d’une intestin en pleine forme !
Oups je suis en retard aujourd’hui, désolé ! Et rien à voir avec le fait qu’on ait changé d’heure ou que samedi ait été la journée mondiale de la procrastination…
Je vous laisse tout de même choisir le thème de la prochaine newsletter :
Hello Thomas !
Tu ne parles pas trop des fromages (hormis le cottage cheese de nos amis anglais - mais ça me fait mal au coeur) dans la partie alimentation fermentée. J'ai cru voir que la fêta, le gruyère (dont nous sommes très consommateurs en France) ou encore le parmesan l'étaient également. Par contre j'imagine qu'il faut les consommer crus et non cuits pour garder le bien fait du 'fermenté' ?