Végé ou pas végé, sérieux ? Oui, je sais. Il y en a marre des débats interminables en famille ou entre amis, où chacun ramène le bout d’information qu’il a récolté le mois dernier dans un article de journal. Vous savez, cet argument qu’on ressort à chaque fois :
“ Être végétarien, c’est forcément manquer de fer : on en trouve que dans la viande. Je ne veux pas en entendre parler, t’as vu qu’ils font des steaks en cultivant des cellules issues de vraie viande de bœuf ! Ma tante me dit qu’elle connaît quelqu’un qui a perdu énormément de poids rien qu’en devenant vegan, incroyable non ?”
STOP !
Avant d’expliquer ce que je compte faire aujourd’hui, je propose de retourner le problème. Voici ce que cette newsletter n’est pas :
une discussion éthique sur la souffrance animale
un article de propagande vegan
des remarques morales sur les implications écologiques des choix alimentaires
une conversation pénible qui exige de vous que vous mangiez des graines le restant de vos jours
Ce que je souhaite partager aujourd’hui, c’est revenir sur ce que j’ai appris sur les pratiques alimentaires sous le prisme d’une discussion qui revient de plus en plus fréquemment : le régime végétarien (et vegan tant qu’on y est). L’idée est d’apporter des clés de lecture dans un débat qui part dans tous les sens, en se concentrant sur l’aspect de la santé. Que vous ne mangiez pas de viande, que vous essayiez de réduire votre consommation ou que vous ne vous soyez pas posé la question, je vous invite à lire la suite !
Rappel : pourquoi mangeons-nous ? (2 min)
Focus sur les régimes végétariens & vegans (1 min)
Un peu de recul : la pyramide des priorités (3 min)
Végé or not végé ? Retour sur les inévitables du débat (4 min)
Pour résumer tout ça (1 min)
Rappel : pourquoi mangeons-nous ?
Une question si simple mais qui mérite d’être posée. Surtout quand il s’agit de changer nos habitudes alimentaires - vous savez, cette activité qui occupe une vingtaine d’heures dans notre semaine (chiffre très variable qui dépend notamment de l’activité de votre compte Uber Eats). Et puis, si c’est une question si simple, la réponse le sera aussi, non ?
Je dirais qu’il y a trois principales raisons de s’alimenter (liste non exhaustive et non ordonnée) :
l’énergie
les nutriments
le plaisir
Je ne prends pas trop de risques en disant qu’un régime est sain et viable sur le long terme s’il permet d’atteindre ces trois objectifs. Gardons cette idée en tête.
En plus de cela, les newsletters précédentes ont établi que les habitudes suivantes sont particulièrement importantes pour la santé :
le respect de la balance énergétique (nous ne pouvons consommer plus d’une certaine quantité avant dégrader sa santé)
la consommation suffisante de protéines pour le maintien des muscles (et c’est d’autant plus important avec l’âge), mais aussi : les os, les cartilages, la peau, la sécrétion d’hormones, la cicatrisation, la réponse immunitaire du corps…
la consommation de fibres alimentaires (ce sont d’excellents prébiotiques)
la consommation de produits fermentés (pour la diversité du microbiome)
l’application de la règle d’or en cas de doute : variété et modération (consommer un aliment en trop grosse quantité est probablement une mauvaise idée).
La liste commence déjà à être longue. Voyons comment se débrouillent les régimes végétariens et vegans.
Focus sur les régimes végétariens & vegans
Commençons de manière méthodique avec une petite définition qui ne fera de mal à personne. Être végétarien, qu’est-ce que ça veut dire ?
Ça, c’est plutôt facile. Ne sont pas inclus dans un régime végétarien toute les chaires animales :
les viandes
les poissons (et crustacés)
Un régime beaucoup plus strict, le régime végétalien ou vegan élimine tous les aliments d’origine animale (viandes, poissons, mais aussi œufs, lait, fromage, miel…).
Personne n’utilise le terme “végétalien” donc je vais m’y référer avec le mot vegan (désolé pour les allergiques aux anglicismes, il y en aura d’autres).
Et tant qu’on est en train de poser les bases, je confonds volontairement les termes “être végétarien/vegan” avec “suivre un régime végétarien/vegan” puisqu’aujourd’hui, je ne m’intéresse qu’aux impacts sur la santé et rien d’autre.
Un peu de recul : la pyramide des priorités
Maintenant que le cadre de la réflexion d’aujourd’hui est fixé, prenons un peu de recul. Je regrette dans la plupart des conversations pour savoir si tel ou tel régime est le régime idéal que le contexte du régime en question n’est pas donné.
Je m’explique.
Il est souvent facile de présenter un régime comme sain et idéal. Il suffit de prendre l’exemple d’une personne qui se porte très bien et qui suit ce régime. C’est exactement le type d’argument présenté dans The Game Changers, un documentaire Netflix de James Wilks qui plaide pour l’adoption d’un régime végétarien. Le documentaire montre des athlètes de tout genre - un bodybuilder Arnold Schwarzenegger, un strongman Patrik Baboumian, un pilote de F1 Lewis Hamilton, etc… - qui gagneraient grâce au régime végétarien.
Mais voilà, le problème est qu’il y a aussi énormément d’athlètes qui ne sont pas végétariens et qui sont tout aussi - voire plus- performants.
Je ne vais pas me contenter de dire que le régime est une affaire personnelle : certains régimes conviennent mieux aux uns qu’aux autres et un point c’est tout. Ce serait trop simple.
Les conversations sur le sujet oublient souvent que certaines règles du jeu sont admises et partagées par tous et il convient de les rappeler.
Priorité N°1 : L’équilibre énergétique
La plupart de ces athlètes (végétariens ou non) font attention à leur régime alimentaire et cela commence par consommer autant de calories que l’on en dépense.
Je l’avais déjà expliqué, si on absorbe plus de calories que l’on consomme, notre corps prend du poids et à l’inverse, si on absorbe moins de calories que l’on consomme, notre corps perd du poids.
Des sportifs peuvent pratiquer leur sport en allant au fast food tous les jours s’ils respectent leur équilibre énergétique. (La situation se complique pour eux sur le long terme).
Priorité N°2 : Éviter les produits transformés
Le raisonnement est simple : en évitant les produits transformés, on s’assure de consommer des produits riches en nutriments et de se protéger des additifs dont on connaît l’effet sur le corps.
J’ajouterais d’éviter l’alcool dans cette catégorie. Nous avons déjà établi que l’alcool gêne le sommeil et la flore intestinale.
Jusque là, c’est plutôt facile. Même les scientifiques ayant des vues pratiquement opposées sur l’intérêt d’un régime ou d’un autre convergent vers ces priorités.
⚠️ Attention, c’est normal de consommer de temps en temps des produits transformés ! Je n’ai pas écrit “bannir les produits transformés” : il s’agit plutôt de réduire au maximum ce genre d’aliments de son assiette.
Priorité N°3 : Consommer des aliments riches en micronutriments avec les bons macronutriments
Petit rappel :
Micro-nutriments = vitamines, sels minéraux. Ils sont présents dans de nombreux aliments en quantités variables.
Macro-nutriments = glucides, protéines & lipides. Chaque repas en contient en proportions variables
Cette priorité ou règle est la raison pour laquelle on recommande de manger des fruits et légumes et de varier les aliments. Ou que je vous disais de préférer des graines entières (pain complet, quinoa, riz brun) aux graines raffinées…
C’est ici que nos amis végétariens pourraient s’écarter de ce modèle “idéal” : certains considèrent qu’ils ne peuvent pas atteindre leurs objectifs en termes de micro & macro-nutriments sans aliments d’origine animale. J’essaie de répondre au sujet dans la partie suivante.
Priorité N°4 : On ne sait pas encore bien…
Et oui, malheureusement, la nutrition reste une science qui mérite des éclaircissements.
Certaines pistes basées sur ce que j’ai lu ou entendu pour cette priorité N° 4 :
Un régime à dominante végétale avec quelques aliments d’origine animale de qualité semble être la solution pour la plupart des personnes (c’est en tout cas ma conclusion de ce podcast qui reprend les arguments du documentaire The Game Changers et de l’article sur le sujet du Dr. Norton, PhD en sciences de la nutrition à l’Université d’Illinois). Plus qu’à définir ce “quelques”…
Faire des analyses de sang, de selles, porter un système de mesure du glucose en continu (MGC) pour personnaliser son régime. L’idée est que chacun réagit différemment aux aliments et a des besoins qui lui sont spécifiques. En mesurant ces caractéristiques (peut-être avec une montre un jour, qui sait ?), on peut alors déduire son régime idéal.
Prendre des suppléments. Ce point est lié au précédent. La photo du milieu correspond à la liste de suppléments de Bryan Johnson (il mérite une newsletter entière tellement les dispositions qu’il prend pour rester en bonne santé sont… envahissantes).
La pyramide
L’idée de ces petits desseins est de les rassembler pour faire une pyramide. Sympa non ?
L’idée que je veux faire passer est qu’avant de juger de la pertinence d’un régime, il convient de regarder à quel niveau de priorité on se situe. Un régime qui respecte la balance énergétique (ou qui permet de perdre du poids) peut être le bon régime pour une première personne, mais un très mauvais régime pour une seconde si elle scrute de près les micro-nutriments qu’elle consomme.
Parce qu’il faut donner des noms aux choses, j’ai nommé cette échelle de priorités l’“OHT Level”. Chaque marche de la pyramide implique (du bas vers le haut) des régimes plus stricts, plus pénibles et des exigences plus élevées.
Ce que je fais : Je pense me situer vers la 3ème marche. Évidemment, il m’arrive de manger des produits transformés ou de boire des bières. J’ai tout de même une bonne notion des macro-nutriments que je consomme et j’essaie de manger un maximum d’aliments différents pour maximiser ma consommation de micro-nutriments. Appelons-le le niveau OHT 3 intuitif !
Végé or not végé ? Retour sur les inévitables du débat
“Les régimes végétariens sont trop faibles en nutriments”
Les nutriments en question qui reviennent souvent sont : la vitamine B12 et le fer héminique.
Concernant la vitamine B12 :
Fonction : Contribue au métabolisme, au fonctionnement du système immunitaire et à réduire la fatigue.
Recherche : L’organisme humain ne synthétisant pas la vitamine B12, l’apport alimentaire est donc indispensable. Il semblerait que végétariens ou non, nous ayons tous besoin d’en prendre un supplément de vitamine B12.
Pour aller plus loin : Les aliments qui contiennent la vitamine B12 sont : la viande, le poisson, les œufs ou encore le lait. Mais la consommation de ces aliments n’est pas suffisante pour atteindre un niveau de vitamine B12 considéré “normal”. À un niveau faible, on observe des symptômes tels que des pertes de mémoire, une diminution de la mobilité et un déclin cognitif général. Les végétariens et vegans sont les plus concernés par cette carence et doivent compléter leur alimentation avec des suppléments. Les consommateurs de viande doivent également être vigilants puisqu’au total, 40% de la population serait en carence de vitamine B12.
Concernant le fer héminique :
Fonction : Le fer est nécessaire au transport et à l’utilisation de l’oxygène par les globules rouges, ainsi qu’au fonctionnement de certaines enzymes. Il y en a 2 types : le fer héminique (exclusivement dans les aliments d’origine animale) et le fer non-héminique.
Recherche : Il n’y a pas de relation prouvée entre le fer héminique et des maladies cardiovasculaires ou le cancer, ce qui est l’argument majeur contre la consommation de fer héminique.
Pour aller plus loin : Une étude a identifié un lien entre l’augmentation de consommation de fer héminique et des marqueurs de risques de maladies cardiovasculaires (MCV). Mais d’autres études, réalisées en dehors des USA, n’ont pas réussi à prouver ce lien. De manière générale, les scientifiques estiment que les études menées pour identifier un lien entre la consommation de viande rouge et l’augmentation du risque de cancer/MCV n’apportent pas de preuves suffisantes.
“Les aliments d’origine animale causent le cancer”
On a traité le cas de la viande rouge plus haut (l’argument majeur vient de la présence de fer héminique).
Une méta-analyse de 2019 reprenant les résultats de 153 études met en avant 16% des études qui montrent une augmentation des risque de cancer avec la consommation de produits laitiers (71% sans lien et 13% montrent une baisse des risques). Il est important de prendre en compte tous les résultats et de comprendre qu’une telle disparité montre la faiblesse des études menées. D’autres méta-analyses n’ont pas réussi à montrer un tel lien et il semblerait que ce soit le plus probable.
“Les protéines végétales sont moins intéressantes”
Rappel : Pourquoi avons-nous besoin de protéines ?
Les protéines aident à construire des fibres musculaires oui, mais aussi : les os, les cartilages, la peau. Elles participent à la sécrétion d’hormones, à la cicatrisation ou à la réponse immunitaire du corps.
L’argument majeur contre les régimes végétariens consiste à dire que ce type de régime ne permet pas d’absorber des protéines en qualité et quantité suffisante.
Quid de la recherche ?
Les végétariens et vegans ont tendance à consommer moins de protéines que les omnivores. De plus, une planification et une organisation importantes seront nécessaires pour répondre à ces besoins du fait de la qualité plus faible des protéines non-animales.
Pour aller plus loin :
Toutes les protéines ne sont pas égales. En effet, ce n’est pas parce qu’un paquet de lentilles affiche 30g de protéines que notre corps peut utiliser ces 30g de protéines.
En réalité, on attribue des scores aux aliments sur la base de la qualité des protéines qu’ils contiennent (comprendre la propension du corps à les absorber) : classification DIAAS (Digestible Indispensable Amino Acid Score), PDCAAS (Protein Digestibility Corrected Amino Acid Score)…
Pour les chimistes parmi nous : Pour comprendre réellement ces systèmes de scores, il faut parler d’acides aminés. Les acides aminés sont des molécules unitaires qui, associées dans un ordre précis, forment les protéines. Il en existe 20, dont 9 qui sont essentiels pour le corps.
Les aliments qui ont un score élevé dans la classification DIAAS par exemple contiennent une la plupart (voire tous) les 21 AA.
En résumé, les protéines végétales obtiennent des scores plus faibles (entre 10% à 40%). Les végétariens et vegans doivent donc en théorie manger davantage de protéines que les omnivores avec des aliments qui sont en général moins denses et dont les protéines sont de moins bonne qualité… Pire : beaucoup de marques se lancent désormais dans des reproductions de viandes qui sont ultra-transformées. Tout d’un coup, on redescend dans la pyramide.
Les protéines végétales c’est donc faisable, mais plus difficile.
Pour résumer tout ça
Avant de comparer les régimes végétariens et vegans (ou n’importe lequel que vous croisez sur Instagram), il convient de prendre du recul et d’essayer d’analyser avec quelles exigences on conçoit ce régime.
Plus on est haut dans ces exigences (comprendre vers le haut de la pyramide), plus les régimes deviennent restrictifs. À chacun de comprendre ce qu’il attend de son alimentation et de voir où il se situe sur la pyramide des exigences.
Concernant les régimes végétariens, j’ai déblayé un peu le sujet, sans tout mentionner. L’important est de comprendre que ces régimes sont tout à fait convenables et compatibles avec une bonne santé. De la même manière, un régime végétarien n’est pas par définition plus sain qu’un autre, c’est justement le contraire : on élimine des aliments, il faut donc faire aussi bien avec moins d’outils !
Un point d’alerte en revanche concernant les protéines chez les végétariens pour qui il est plus difficile d’atteindre les apports souhaités. J’ajouterais également que la consommation de viande rouge en quantité excessive n’est pas une bonne idée non plus !
Pour finir, comme d’habitude, je vous propose de choisir le thème de la prochaine newsletter :
Oui c’était une petite blague, mais c’est un sujet passionnant et cette prochaine newsletter en introduira d’autres, vous verrez !
Cet article m’a bien aidé à me retrouver dans mil propositions de régimes.
Comme toujours le bon sens doit prévaloir, et défendant un régime très diversifié j’ai trouvé mon futur argument de force: les veg / veg doivent faire autant avec moins d’outils!!!