Dans la newsletter d’aujourd’hui :
Pourquoi on a envie de dormir après le déjeuner
Pourquoi ce n’est pas toujours une bonne idée de faire la sieste
🧰 Le temps idéal de sieste et comment y parvenir
En 1992, Thomas Wehr, un psychiatre et chercheur spécialisé dans le rythme circadien, met au point une expérience qui interroge sur notre façon de dormir. Il propose à sept hommes de s’enfermer chacun dans une chambre dans le noir pendant 14 heures par jour. Ces hommes doivent vivre normalement mais sans dormir (siestes comprises) autre part que dans cette chambre.
Les premières nuits, les participants dorment en moyenne plus de 10 heures d’une traite - Wehr soupçonne un manque de sommeil chronique. Les nuits suivantes, les participants de l'expérience dorment en moyenne 8 heures de sommeil durant les 14 heures qu’ils passent dans la chambre, ce à quoi on s’attend d’individus en bonne santé.
À partir de la 4ème semaine en revanche, Wehr observe que chacun des sujets a adopté un rythme de sommeil particulier. Au lieu de dormir 8 heures à la suite, ils optent naturellement de dormir en 2 blocs de 4 heures environ (séparés par une période d’éveil de 2 heures).
L’hypothèse de Wehr est que ce schéma de sommeil (appelé biphasique) est le schéma naturel (ou par défaut) de l’homme. Naturel ou non, c’est ainsi que dormait nos ancêtres jusqu’aux débuts de l’ère industrielle.
Ce n’est peut-être pas la solution pour notre rythme de vie actuel, mais cette pratique a le mérite d’interroger sur notre façon de dormir dans un monde où les insomnies sont répandues et leurs conséquences si importantes.
Previously on OHT (3 min)
Un effet à double tranchant (3 min)
🧰 Power nap : notice d’utilisation (2 min)
Pour résumer tout ça (1 min)
Previously on OHT
C’est le grand retour du sommeil sur OHT !
Je l’ai rappelé plusieurs fois, le sommeil est un des piliers de la santé, et si j’en ai pas parlé récemment, c’est que les épisodes 1, 2 et 3 sont déjà très complets (selon moi).
Ce que je n’avais pas évoqué - ou très rapidement - ce sont les siestes. Parce que oui, pour faire la sieste, il faut avoir certaines notions en tête, et parce que les siestes de certains d’entre nous ne sont pas aussi réparatrices que souhaité.
Mais avant de se lancer dans le vif du sujet, rappelons les concepts clés du sommeil que j’utiliserai aujourd’hui.
J’avais évoqué dans l’épisode 3 la pression du sommeil.
Au réveil, il n’y a (normalement) pas de pression : le corps est éveillé. Au cours de la journée, cette pression augmente jusqu’à ce que l’on sente le besoin de dormir à nouveau. La pression est alors à son maximum et commence sa chute qui va durer toute la nuit (cf schéma).
Pour les chimistes d’entre nous : Le terme de pression est évidemment une vulgarisation : il permet de visualiser l’accumulation d’une substance chimique qui s’appelle l’adénosine. Au cours de la journée, elle s’accumule sur des récepteurs spéciaux avant que le corps ne bascule dans le sommeil.
Ce sont ces récepteurs d’adénosine que la caféine bloque lorsqu’elle entre dans l’organisme. C’est pourquoi le café nous fait nous sentir éveillés : l’adénosine ne peut pas faire son travail, la pression arrête de monter. La conséquence que cela peut avoir (en cas de consommation trop importante) est que la quantité d’adénosine est trop faible au moment du coucher (cf jour 2 sur le schéma). Cela peut donc gêner l’endormissement (entre autres).
Pour ceux qui sont à la recherche d’une “bonne” anecdote de soirée : Pourquoi a-t-on envie de dormir après le déjeuner ?
Nous l’avons tous vécu après le repas du midi. Une diminution de la concentration, les paupières qui s’alourdissent, le flou devant les yeux. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce phénomène n’est pas lié à un gros déjeuner que l’on doit digérer (même si cela peut contribuer à une fatigue passagère).
Notre cerveau suit comme le reste du corps le rythme circadien (cf épisode 1). Au milieu de la journée (entre 13h et 16h pour la plupart d’entre nous, l’activité cérébrale diminue (que l’on ait déjeuné ou non). Cette baisse d’activité (qui se traduit d’ailleurs par un pic de mélatonine, une hormone “du sommeil”) est une parfaite invitation à faire la sieste. Mais ce n’est pas pour autant que l’on est en manque de sommeil : ce phénomène est naturel et présent chez tout le monde, bien qu’avec plus ou moins d’intensité.
Un effet à double-tranchant
Maintenant que l’on sait que le café ou le sommeil gênent la pression du sommeil, tournons-nous vers les siestes. En faisant une sieste, aussi courte soit-elle, la pression du sommeil diminue (cf schéma), comme elle le fait durant la nuit. C’est là que réside le danger de la sieste : une sieste peut empêcher d’atteindre un niveau normal de pression du sommeil au moment du coucher.
À la manière d’un cuiseur à vapeur dont on ouvre la valve pour laisser s’échapper un peu de vapeur, la sieste réduit la pression du sommeil. C’est pourquoi il est déconseillé à une personne qui a du mal à s’endormir et qui est fatiguée de faire une sieste : sa capacité à s’endormir en sera d’autant plus affectée. De manière générale, les experts recommandent aux adultes de faire une sieste huit heures ou plus avant l'heure du coucher. Pour la plupart des gens, cela signifie faire une sieste avant 15 heures.
C’est aussi pourquoi on conseille de faire des siestes courtes : la pression du sommeil chute moins longtemps. Une sieste trop longue (plus de 30 min) risquerait de nous faire entrer dans un cycle de sommeil profond, qui cause un état de somnolence auquel on n’arrive pas à échapper et qui peut avoir un impact sur la prochaine nuit. Cet état de somnolence, c’est ce qu’on appelle l’inertie du sommeil. En d’autres termes, le corps a du mal à sortir entièrement de l’état endormi.
L’investissement de la sieste est donc en partie payé par l’inertie du sommeil, cette difficulté à sortir de l’état de somnolence. Vient après une période d’éveil qui apporte avec elle de nombreux bénéfices. Car oui, j’ai insisté sur les dangers des siestes, mais elles ont évidemment beaucoup de bénéfices ! Parmi eux :
Réparer un déficit de sommeil
L’idéal reste de dormir sans interruption durant une durée suffisante. Là dessus, il y a consensus. Dans le cas d’une mauvaise nuit, pour une raison ou une autre, la sieste reste cependant un outil très intéressant.
Ce que je fais : La sieste est pour moi un recours vers lequel je me tourne en cas de manque de sommeil. J’ai la chance d’être en bonne santé et d’avoir un sommeil de bonne qualité, donc pas besoin de faire la sieste en temps normal.
Consolider la mémoire et la fonction cognitive
Une étude très connue menée par la NASA dans les années 90 et surnommée “NASA nap” a mis en avant des bénéfices clairs des siestes de 26 minutes en moyenne : les sujets sont 54% plus alertes, 34% plus compétents dans leurs tâches.
Ce que j’en pense : Ces chiffres sont bien-sûr impressionnants et mon objectif n’est pas de ternir l’image des siestes. En revanche, il convient de donner du contexte à cette étude : elle a été faite sur des pilotes qui manquent probablement de sommeil à cause de leur activité. Faire une sieste leur permet de se reposer et au réveil, ils bénéficient d’une meilleure performance.
Et plein d’autres : performance physique, temps de réaction, réduction du stress…
Ces bénéfices sont clairs et bien connus.
Mais je veux insister sur le fait que les siestes ne sont pas magiques. Certains bénéfices sont observés uniquement parce que la sieste permet d’atteindre une quantité de sommeil suffisante. Une nuit avec un sommeil de bonne qualité a les mêmes effets !
🧰 Power nap : notice d’utilisation
Alors, quelle est la longueur idéale pour faire la sieste ?
Si l’on résume ce que l’on s’est dit, il convient de faire attention à 2 choses lorsque l’on souhaite faire une sieste :
Ne pas gêner la pression du sommeil avec une sieste trop proche de la nuit. On veut accumuler malgré tout une (bonne) fatigue pour s’endormir la nuit venue.
Ne pas faire la sieste trop longtemps au risque d’entrer dans une phase de sommeil lent profond lors de laquelle l’inertie du sommeil au réveil est particulièrement importante.
Ce schéma résume le rapport investissement / bénéfices proposé par Matt Walker (notre ami spécialiste du sommeil) :
🧰 La durée idéale de sieste est de 30 min chez la plupart des individus. Au-delà, le coût de la sieste commence à être trop important pour les bénéfices qu’elle apporte selon le chercheur anglais.
Pour ceux qui ont des amis insistants : Certains d’entre nous ont peut être déjà fait l’expérience d’une inertie de sommeil importante. Cette inertie est la plus intense lorsque l’on est réveillé durant le sommeil lent profond (NREM en anglais).
Lorsque vous recevez un appel au début de la nuit (45 minutes à 1 heure après s’être endormi), vous êtes encore à moitié endormi et vous répondez. Le lendemain, il est possible que vous ne vous souveniez même plus de cette conversation. Vous étiez plongé en plein sommeil lent profond et n’en êtes jamais réellement sorti !
🧰 Des conseils en vrac pour compléter cette boîte à outils :
Il ne faut pas hésiter à utiliser un réveil pour faire une sieste.
Si l’on éprouve des difficultés à s’endormir, il vaut mieux éviter la sieste.
Si l’on n’a pas 30 minutes (ou 20) devant soi, passer 5 min avec un exercice de cohérence cardiaque peut nous permettre de “repartir”. 6 cycles de respiration par minute (5 sec inspiration, 5 sec expiration) pendant 5 minutes, c’est tout.
Il est possible de prendre du café juste avant sa sieste. Oui, j’étais surpris de voir ça aussi, mais c’est en réalité très astucieux ! Le café est une boisson chaude, et peut donc participer à l’endormissement chez certains. La caféine, elle, ne fait effet qu’une trentaine de minutes après consommation, le moment où l’on veut justement sortir de sa sieste !
Ce que je fais : Vous l’aurez compris, je ne fais de siestes que lorsque je suis en manque de sommeil. J’ai donc peu de mal à m’endormir. Mais quand j’anticipe que ce sera compliqué, je fais des exercices de respiration pendant quelques minutes avant la sieste. Et bien-sûr, je m’endors dans le noir, au calme.
Petit bonus Apple Watch : ma montre me réveille avant d’entrer en phase de sommeil profond. Je mets donc un réveil pour 35 minutes et la montre me réveille en général au bout de 20 minutes. Grâce à ce dispositif, je ne ressens aucune inertie de sommeil.
Pour résumer tout ça
Les siestes sont un outil puissant, mais à double-tranchant. Elles ne sont pas recommandées à tout le monde, mais permettent à certains de fonctionner mieux en améliorant ses capacités physiques et cognitives, ainsi que son humeur ou son énergie. C’est aussi un bon moyen d’atteindre une quantité de sommeil suffisante.
Le prix ? Une sieste peut gêner la pression du sommeil et par extension le sommeil si elle est trop proche de la nuit. Elle peut également entraîner une période de somnolence importante si l’on entre dans une phase de sommeil trop profond.
Il est donc recommandé de ne pas dépasser 30 minutes pour ces siestes et de laisser au moins 8 heures avant de s’endormir pour la nuit.
Recos
📲 Une app
RespiRelax, Les Thermes d’Allevard
Une app pour réaliser des séances de cohérence cardiaque. Très simple, mais j’engage tout le monde à tester. En 5 minutes, les bénéfices sont bluffants ! À répéter jusqu’à trois fois par jour pour les meilleurs résultats.
🥄 Une recette
Kombucha
J’ai mis la main sur une mère de kombucha, un champignon qui contient des bactéries et levures vivant en symbiose. Elle permet de faire cette boisson - un thé sucré naturellement fermenté qui vient d’Asie. Je vous tiens au courant quand j’aurai goûté mon propre kombucha !
📧 Une newsletter
Stretch, Charlotte Grysolle
J’ai découvert Charlotte Grysolle sur Twitter (pardon, X) très récemment et je suis rapidement tombé sur sa newsletter. Elle touche à tout mais se concentre depuis peu sur la performance mentale (concentration, volonté, résilience…). Complète, intéressante, informée, c’est tout ce que l’on souhaite d’une newsletter !
Super intéressant!! Je ne prenais jamais de café après le déjeuner, pour ne pas nuire à ma sieste!! Dorénavant je peux 😃. Je suis grande adepte de sieste, c’est tous les jours après le déjeuner, de 5 à 20 min. Après je part comme neuve