L’autre jour, je tombe sur cette vidéo qui m’a fait beaucoup rire et qui m’a donné l’idée de partager ce que j’ai appris sur la concentration. Et, soyons clairs dès le début, non, il n’y a pas de méthode magique pour activer le “deadline mode”…
Savoir se concentrer, réellement se concentrer, sur une seule tâche durant 2 heures - on ne parle pas de répondre à des mails - ça se travaille. Sans sortir la cassette du classique “les jeunes de nos jours ne quittent pas le portable des yeux, ils sont complètement absorbés par leur fil TikTok”, je pense que la concentration est une capacité compliquée à entretenir aujourd’hui, les distractions ne cessant de se multiplier.
À chaque début d’article, je vais désormais répondre à une question qui m’a été posée et qui peut vous intéresser. Dites-moi si ça vous plaît !
☕️ Question de Gautier sur l’article #3 : Boire pour mieux dormir ? :
Hello Gautier, et merci pour ta question et ton soutien !
Au-delà de la boisson, ce qui compte est la quantité de caféine ingérée (calculée en milligrammes, ou mg).
D'après mes recherches, pour le café : autour de 70 mg, thé : entre 15 mg (thé vert) et 60 mg (thé noir) - valeurs pour une tasse. Si tu bois 2 tasses, tu doubles la quantité de caféine dans ton organisme. Et ingérer 30 mg à 17h revient à ingérer 15 mg à 22h (les effets d’un café moyen peuvent durer jusqu’à 12 heures et sa demi-vie est de 5 heures environ).
Si tu as un doute, essaie de boire une infusion (ou un thé déthéiné) à la place de ton thé pendant une semaine et vois si tu as plus d'énergie ou si tu te sens plus reposé cette semaine là.
En résumé : un thé vert en fin d'après-midi ne devrait pas perturber ton sommeil.
L'idée aujourd’hui est d'optimiser vos journées avec des connaissances et des outils que vous pouvez utiliser chaque fois que vous vous asseyez pour travailler, étudier ou lire. Vous pourrez réagir par rapport au contexte et à l’état dans lequel vous vous trouvez afin d’identifier les variables qui ont un impact sur votre cerveau et votre corps.
Pour ceux qui travaillent, qui étudient ou qui ont du mal à se concentrer, je propose donc de regarder ce que la science a à nous dire sur ce sujet pour se dédier à 100% sur une tâche. Let’s go !
Ce qui se passe dans le cerveau : l’analogie de la flèche (3 min)
S’organiser des séances de travail : cycles ultradiens (2 min)
Ce qu’il faut écouter pour se concentrer (2 min)
Entraîner ses yeux : le rôle du champ de vision (1,5 min)
Quoi et quand manger pour se concentrer (4 min)
Exercices de respiration & de méditation (1,5 min)
Utilisation du stress : le retour de la douche froide (1 min)
Pour résumer tout ça (1 min)
Ce qui se passe dans le cerveau : l’analogie de la flèche
Il y a quelques semaines, je vous parlais de la dopamine, ce neurotransmetteur qui nous permet de nous sentir bien et de poursuivre un objectif. Ce n’est pas le seul. La dopamine aime bien agir avec l’adrénaline et la moins connue acétylcholine (et j’en ai fini avec les mots barbares en -ine pour cette newsletter, ouf !). Ces trois-là forment le cocktail idéal pour atteindre un état de concentration.
Afin de mieux comprendre et garder une image visuelle, notre ami le Dr. Huberman propose une analogie avec une flèche :
La hampe (c’est le terme utilisé par Wikipedia - le truc en bois quoi) - l’adrénaline : c’est elle qui permet à la flèche de continuer sa course, elle est responsable de l’énergie mentale, de l’état d’alerte. Retenons adrénaline = intensité.
La pointe - l’acétylcholine : c’est elle qui permet de se concentrer sur une tâche précise. Retenons acétylcholine = précision.
La vitesse/le mouvement de la flèche - la dopamine : c’est elle qui permet de continuer l’effort. Retenons dopamine = poursuite de l’effort.
Se concentrer requiert que ces trois neurotransmetteurs agissent de concert. Trop d’adrénaline et vous ne pourrez plus tenir sur place pour vous concentrer sur une seule tâche. Enlevez la dopamine et la concentration sera de trop courte durée.
💊 Disclaimers : La concentration peut être atteinte grâce à la pharmacologie mais ici nous nous concentrerons sur les pratiques comportementales basées sur la science.
Et avant de se ruer vers les outils, rappelons que la concentration est dynamique : la transition vers un état de concentration n’est pas instantanée. Rappelons également que l’état de concentration n’est pas infini. On considère que l’on peut maintenir une forte concentration pendant un certain temps avant de devoir faire une pause. Il est alors important d’accepter la déconcentration, et c’est la capacité à se recentrer sur sa tâche qui est essentielle. Attendez-vous également à ce que votre concentration mentale vacille, surtout au début d'une séance de travail ou d'apprentissage.
Il est enfin évident que le fait d'éteindre votre téléphone, le sortir de la pièce et de fermer les navigateurs Web ou de les limiter aux onglets essentiels (ou mieux encore, d'éteindre Internet) peut vous aider.
📱 Ce que je fais : Se concentrer signifie aussi éviter la distraction. Et tout commence avec le portable. Pour certaines applications, je les enlève de l’écran d’accueil, je mets des restrictions de temps d’utilisation quotidienne ou les supprime carrément.
J’adore aussi ce qu’a fait Apple sur sa nouvelle mise à jour avec les modes “Concentration” (“Focus” en anglais) grâce auxquels on peut, entre autres, configurer les notifications que l’on reçoit et modifier l’écran d’accueil (et d’Apple Watch !) pour chaque mode. J’en ai configuré un pour le travail, un pour le sommeil et un pour le sport* en plus du classique “Ne pas déranger”. Et quel plaisir de ne plus se retrouver inondé de notifications (ou du moins choisir quand on les reçoit) - ça devrait être une fonction de base sur chaque smartphone.
* Je sais, il ne me manque plus qu’un mode dédié à l'alimentation pour compléter les 3 piliers (cf épisode #7), mais je n’en suis pas encore là dans mon parcours de nerd !🏇🏻 Pour terminer : Un grand classique mais c’est pour une bonne raison : la planification du temps (à long terme et au quotidien) devrait faire partie de nos réflexes à tous. Papier et crayon ou calendrier Google, choisissez votre cheval de bataille.
S’organiser des séances de travail : cycles ultradiens
Pendant combien de temps peut-on se concentrer justement ? Quelle est la durée optimale de concentration avant que notre cerveau n’abandonne sa tâche ?
Notre corps suit chaque jour des cycles de 90 minutes environ. Rappelez-vous dans l’épisode 1 sur le sommeil, je vous disais que chaque phase de sommeil dure 90 minutes. Et bien lorsque nous sommes éveillés, notre corps garde ce rythme dit ultradien qui découpe la journée en portions de 90 minutes. Ce rythme régule nos états cérébraux dont la concentration fait partie. Cela signifie qu’après 90 minutes, notre capacité à nous concentrer sur des tâches difficiles diminue.
La clé repose encore une fois dans la régularité. Plus vous avez des habitudes fixées chaque jour (pour dormir, prendre ses repas, se coucher et se lever, faire du sport), moins il sera difficile de démarrer une nouvelle séance de concentration.
🧰 On recommande de faire des pauses entre les cycles de productivité de 90 minutes (on parle d’un travail intense) et de ne pas dépasser 2 à 3 cycles dans la journée. Le nombre de cycles de haute concentration que vous serez capables de réaliser dépend de la qualité de votre sommeil et du temps qu’il vous faut pour atteindre cet état de concentration.
Paradoxalement, si vous êtes capables de vous concentrer rapidement, vous aurez besoin de plus de temps de décompression après la séance de concentration. Et plus vous pouvez vous concentrer profondément, moins vous pourrez effectuer de séances, car c'est épuisant.
Pour les futures pépites de productivité de la French Tech : Deux séances, cela peut paraître peu. Mais si nous arrivions tous à boucler, chaque jour, 2 fois 90 minutes - soit 3 heures - de travail avec une concentration totale, je suis certain que tout irait mieux ! On parle bien de concentration intense, rien ne vous empêche par la suite de réaliser des tâches qui vous demandent une concentration plus faible (emails, appeler quelqu’un, organiser son travail…).
Ce qu’il faut écouter pour se concentrer
J’ai été vraiment surpris en apprenant que l’on peut utiliser le son pour se concentrer. L’idée est la suivante : certains sons peuvent amplifier l'activité du cortex préfrontal, une zone du cerveau permettant, entre autres, de diriger et maintenir sa concentration.
Pour ceux qui ont adoré Le Chant du loup : On attribue des couleurs aux bruits en fonction des fréquences et de leurs intensités qui les composent. Dans notre cas, les sons qui aident à la concentration sont :
le bruit blanc (son ayant la même intensité pour toutes les fréquences)
le bruit rose (son doux qui diffuse des ondes de basses fréquences)
le bruit brun ou rouge (son fort, profond et chargé en basses)
Je vous laisse écouter par vous même ici. 🔉
Je m’explique : nos envies d’environnement sonore varient (silence absolu, musique calme, musique entraînante etc…) parce que notre système auditif est sans cesse en train de traiter le fond sonore de notre environnement. Nous pouvons alors profiter de cette fonction pour imposer à notre système auditif un son qui nous calme et qui engage notre cerveau !
Les battements binauraux (dont le principe est de jouer un son dans une oreille et un son différent dans l'autre oreille) placent le cerveau dans un état propice à l'apprentissage. On peut alors en écouter à basse fréquence (ce qui permet d’entrer dans un état de relaxation) pour se mettre dans d’excellentes dispositions de concentration.
🧰 Ce que je fais : J’écoute ce son sur Spotify (battements binauraux à 40 Hz). Attention, je ne l’utilise pas pendant toute la durée de travail : je commence 5 minutes avant la séance puis pendant les 10 premières minutes (plus ou moins en fonction de l’environnement de travail). Cet outil n’est pas à utiliser pendant de longues durées (30 min maximum) : au bout d’un certain temps, vous gagnerez à sortir pour marcher et capter de la lumière naturelle.
Pour ceux qui préfèrent YouTube : Ce son aura le même effet.
Entraîner ses yeux : le rôle du champ de vision
Cet outil m’a également surpris dans mes recherches, et je le trouve génial !
Une grande partie de notre concentration cognitive est dirigée par le système visuel : elle suit la direction donnée par nos yeux.
Ainsi, regarder dans une direction précise permet de focaliser son esprit sur une idée en particulier. Faites cet exercice pour augmenter votre niveau de concentration sur la tâche que vous vous apprêtez à accomplir :
🧰 Exercice visuel pour aider à la concentration : poser le téléphone, se détendre et fixer un point sur un mur ou un objet pendant 30 à 60 secondes (cligner des yeux si nécessaire).
Vous serez surpris de constater que cela demande un certain effort - cet "effort" que vous ressentez reflète l'activité des circuits neuronaux impliquant la libération d'acétylcholine dans le cerveau (la pointe de la flèche).
Concernant la direction du champ de vision, il a été montré que lorsque l’on regarde vers le bas, les neurones qui génèrent ce mouvement des yeux sont liés à la sécrétion de neurotransmetteurs qui activent un état de calme, voire d’envie de dormir. À l’inverse, le fait de regarder vers le haut entraîne la sécrétion d’adrénaline et d’acétylcholine.
🧰 Pour son environnement de travail : On peut se forcer à regarder vers le haut en positionnant son écran, son livre, son papier le plus haut possible pour forcer le cerveau à rester dans un état d’alerte.
Quoi et quand manger pour se concentrer
Comme toujours, il faut surveiller son alimentation pour une séance de concentration optimale.
Je vais rentrer dans une analyse un peu plus technique mais à la conclusion simple : il y a deux états qui sont efficaces pour induire la concentration. Lorsque le taux de glucose dans le sang est important et lors d’un état de jeûne.
L’idée est la suivante : la capacité des neurones à encoder des informations est liée au taux de glucose sanguin. Par taux de glucose, il faut comprendre qu’il est élevé après un repas et faible plusieurs heures après le dernier repas. Ceci justifie la courbe en forme de U que j’ai dessinée : pour un taux de glucose nul / très faible (le jeûne) ou élevé (alimentation riche en glucides), l’organisme est capable d’une concentration importante. Entre les deux, c’est plus compliqué…
Pour les fans d’analyse sanguine : Le corps utilise préférablement le glucose pour son énergie. Quand il n’en reste plus dans le sang, les neurones commencent à utiliser les cétones (la graisse). À moins d'être dans un état cétogène complet (aucun gramme de glucose n’a été ingéré depuis plusieurs heures), les neurones se nourrissent de glucose. Il y a donc 2 cas de figure :
Un taux élevé de glucose permet au cerveau d’utiliser sa source d’énergie favorite, ce qui permet une activité cognitive élevée.
En cas de jeûne, il y a moins d'activité parasympathique (une “fonction” du système nerveux qui ralenti les fonctions de l'organisme dans un objectif d’économiser de l'énergie). Cet état peut donc aider à se concentrer chez certaines personnes (pas toutes).
⚠️ Attention, le jeûne n’est pas conseillé et ne convient pas à tout le monde. Ceci n’est en aucun cas une incitation à sauter un repas (parlez-en à votre médecin avant) !
Ce que je fais : Une séance de concentration le matin vers 10h : 90 minutes à jeun (je ne déjeune pas le matin). Une autre vers 15h après le déjeuner (et parfois une troisième après le dîner), avec un taux de glucose dans le sang élevé. Entre ces séances, je produis un travail moins intense et qui demande moins de concentration. Juste après un repas, le corps dépense encore trop d’énergie dans la digestion, il ne convient pas de commencer les 90 minutes juste après. J’ai remarqué que lorsque je n’ai pas ingéré de calories (donc que je jeûne), je bénéficie d’une clarté d’esprit et mon cerveau fonctionne mieux dans l’ensemble.
📉 Autre chose : je vous vois venir ceux qui se plaignent du crash de l'après-midi qui serait incompatible avec la séance de 15h. J’ai déjà abordé le sujet dans l’épisode 1 : la raison pour laquelle vous ressentez une perte d’énergie après le repas de midi est que vous ingérez de la caféine trop tôt dans la journée. Préférez attendre 1 à 2 heures pour le premier café/thé de la journée.
Autrement, la dopamine étant étroitement liée à la concentration, les outils décrits dans l’épisode 6 restent bien évidemment intéressants pour atteindre un état de concentration intense : caféine & aliments riches en tyrosine. Évitons surtout les aliments transformés (même s’ils contiennent beaucoup de glucose).
Exercices de respiration et de méditation
Il existe beaucoup d’outils pour améliorer sa concentration, parmi lesquels la respiration, la méditation (idéalement plus de 13 minutes par jour), les exercices de NSDR (Non Sleep Deep Rest) ou encore du Yoga Nidra. Certaines applications (payantes, ex: Reveri) ainsi que des vidéos YouTube (gratuites) proposent des protocoles complets avec des consignes orales.
Je vais vous faire une confidence. Je ne pratique pas ces outils (même si je devrais essayer sérieusement).
Je sais, l’intérêt de cette newsletter est d’avoir mon retour d’expérience sur mes pratiques, et je ne vais pas faire semblant que je médite 15 minutes tous les après-midi. En revanche, OHT se veut aussi d’être complet et ces outils reviennent sans cesse dans la littérature scientifique et sont utilisés par les plus productifs d’entre nous (par exemple le CEO de Google qui écoute des vidéos NSDR, et difficile de faire plus productif que ce monsieur : on peut estimer qu’il sait se concentrer). Maintenant que je suis passé aux aveux, je vous laisse choisir si vous voulez tenter l’expérience.
Voici en revanche un exercice très pratique mais très efficace à essayer avant une séance de concentration :
🧰 Un exercice de respiration pour la concentration, qui nous rend plus alertes grâce à l’adrénaline : prendre 25 à 30 respirations profondes (inspiration par le nez et expiration par la bouche). Ensuite, expirer l’air et retenir sa respiration, les poumons vides, pendant 15 à 60 secondes. Puis inspirer une fois et retenir sa respiration. Ne pas forcer la retenue de la respiration : commencer à respirer normalement dès que le besoin de respirer se fait sentir.
Utilisation du stress : le retour de la douche froide
Nous avons tendance à voir le stress comme un état diminué qui nous empêche de nous concentrer. Mais le stress déploie de l'adrénaline qui rétrécit la vision à la manière d'un tunnel et améliore la concentration (rappelez-vous, c’est la hampe de la flèche ). Lorsque nous sommes stressés, nous pensons généralement à une chose précise sur laquelle nous faisons une fixation.
🧰 L'exposition au froid permet d'augmenter le stress dans le corps et d’augmenter sa capacité à se concentrer par la suite. Essayez de prendre une douche froide pendant 1 à 5 minutes pour augmenter l’adrénaline et la dopamine dans le cerveau et le corps. Leurs effets peuvent durer jusqu’à plusieurs heures.
Pour résumer tout ça
Au-delà des invariables que sont le sommeil, le sport et une alimentation correcte, la science nous propose de nombreux outils simples et actionnables par tous pour améliorer sa concentration (environnement sonore, alimentation, respiration, froid, champ de vision,…).
La régularité (sommeil, repas, sport…) et l’organisation (anticipation des moments qui demanderont de la concentration) seront nos alliés pour améliorer notre capacité à nous concentrer. Privilégions également des séances de concentration intense de 90 minutes qui suivent un repas équilibré (ou bien à jeun), jusqu’à 3 par jour.
Comme d’habitude avant de se quitter, vous choisissez le thème de la prochaine newsletter :
J’ai hâte d’essayer ces méthodes!! Je trouve aussi que la capacité d’attention dépend grandement de l’intérêt qu’on porte à l’activité et de son importance dans notre vie